Javier Otxoa honoré par le Tour de France... Bel hommage rendu par A.S.O.
   
    Publié le 28 juillet 2008 par : Christophe Dizy
   Javier Otxoa est un jeune espoir du cyclisme espagnol dont l'avenir professionnel s'est brisé un jour de février 2001. Javier, c'est l'histoire d'un cycliste qui en compagnie de son frère jumeau, Ricardo, a été fauché par un chauffard. Javier se retrouve plongé dans un profond coma. Quant à son frère, il y trouve la mort. Depuis, Javier est devenu une figure emblématique du monde paracycliste et l'ami des membres d'Urt Vélo 64...
 
L'exploit qui révèle Javier au public Français...
 
Photo prise dans le hall du bâtiment de l'UCI à Aigle (Suisse)
   Souvenez-vous... Nous sommes le 10 juillet 2000, l'étape du Tour de France s'élance de Dax et arrive sur les hauteurs de Hautacam dans les Pyrénées. A cette occasion, l’Américain Lance Armstrong a pris les commandes du Tour de France cycliste, après la dixième étape remportée par l’Espagnol Javier Otxoa.
  
   L’Américain, vainqueur du Tour 1999, a pris la deuxième place sur la ligne à 42 secondes d’Otxoa. Il a surtout creusé des écarts importants sur les autres prétendants à la victoire.
Le Suisse Alex Zülle a perdu plus de trois minutes sur Armstrong, l’Allemand Jan Ullrich près de trois minutes et demie. L’Italien Marco Pantani, à la peine, a cédé plus de cinq minutes sur Armstrong et le Français Laurent Jalabert huit minutes environ.
  
Armstrong s’est détaché au bas de l’ascension finale, à 12 kilomètres de l’arrivée. Il a lâché Zülle et Pantani, qui ont tenté de le suivre, et a repris puis distancé les coureurs intercalés. L’Espagnol José Maria Jimenez, le dernier à lâcher prise, s’est classé troisième devant le Français Richard Virenque, quatrième à près de deux minutes du vainqueur.
   Seul, Otxoa a précédé Armstrong sur la ligne après avoir mené une échappée de quelque 150 kilomètres, lancée avant Marie-Blanque, le premier des trois cols du jour. Otxoa, qui était accompagné au début du Français Jacky Durand (premier attaquant) et du Belge Nico Mattan, s’est retrouvé seul en tête au pied de l’Aubisque, le deuxième grand col du parcours à l’altitude de 1 709 mètres (Km 158,5).
  Le Basque a franchi ensuite le sommet du Soulor (Km 168,5) dans le brouillard avec près de neuf minutes d’avance sur un groupe de contre-attaquants (Virenque, Mancebo, Botero, puis Escartin, Beltran, Jimenez) qui s’était dégagé dans l’Aubisque.
 
   Otxoa a attaqué l’ultime ascension avec un avantage intact et a lutté jusqu’au bout pour enlever sa première victoire professionnelle depuis ses débuts en 1997.
   Agé de vingt-cinq ans, le lauréat du jour présentait jusqu’à présent un palmarès dénué de toute vraie référence, hormis un titre de champion d’Espagne espoirs en 1996. " Le but de l’équipe (Kelme) était la victoire d’étape, sans se soucier de ce qui se passait derrière ", a déclaré le coureur basque dont le nom signifie "loup". " J’ai beaucoup souffert dans les cinq derniers kilomètres. Je ne savais plus où j’en étais. "..Il a endossé pendant 3 jours le maillot à pois du meilleur grimpeur avant de le céder à son co-équipier, Santiago Botero.
 
 
Le 15 février 2001...
Ricardo Otxoa
 
"C’était en 2001, le 15 février aux alentours de 16h00. Les frères Otxoa sont victimes d'un chauffard. C'est un accident comme il en arrive des centaines tous les jours. C’était le début de la saison et Javier Otxoa, révélé par une victoire d’étape à Dax-Hautacam sur le Tour de France 2000, avait décidé de s’entraîner avec son frère jumeau et coéquipier chez Kelme-Costa Blanca, Ricardo. Les deux hommes faisaient la fierté de leur famille : Maria et Ricardo, les parents, et Andoni, le grand frère. Depuis le jour de leur naissance, le 30 août 1974, Javier et Ricardo avaient tout fait ensemble. Ils avaient découvert le cyclisme très tôt, s’étaient révélés très vite comme d’excellents coureurs, passant professionnels à l’âge de 21 ans pour Ricardo et 22 ans pour Javier. Leurs destins s’étaient ensuite séparés :Ricardo a été co-équipier de Laurent Jalabert à la Once avant de rejoindre son frère en 2000 sous les couleurs de l’équipe Kelme-Costa Blanca.

C’était en 2001. Javier et Ricardo roulaient sur les routes de Cartamo, à la périphérie de Malaga.


C’était en 2001.
Ils s’étaient aventurés sur une route dangereuse. Un fou du volant est venu percuter Javier et Ricardo par derrière, sur la piste cyclable, imparable. Le choc s’est révélé d’une extrême violence. Le chauffard ayant pris la fuite, les secours furent alertés par des témoins du drame. Les médecins ne purent que constater le décès de Ricardo, alors que son frère était plongé dans un profond coma.

C’était en 2001. Maria et Ricardo, les parents, apprenaient la terrible nouvelle par téléphone. Un de leur fils avait trouvé la mort en s’entraînant et l’autre était dans un état critique. A l’hôpital de Malaga, les médecins étaient dans l’embarras pour différencier Javier de Ricardo. Javier, qui possédait une tâche sur la poitrine, était le survivant. Mais pour combien de temps encore ?

C’était en 2001. Javier Otxoa savait-il, dans son coma, qu’il ne reverrait plus jamais son frère ? Dans un état jugé critique, il ne semblait plus en mesure de revenir à la vie. Les médecins, sceptiques, envisageaient même de mettre fin à l’agonie de Javier et demandaient à la famille Otxoa de préparer le deuil des jumeaux. Mais Maria refusa. Elle crut en son fils et, croyante, sut que Ricardo guidait Javier vers la sortie de son coma. Après soixante-quatre jours entre la vie et la mort, Javier ouvrait les yeux, bougeait un bras.

C’était en 2001. Javier Otxoa était revenu à la vie. Ricardo avait été inhumé deux mois plus tôt, dans la douleur et le chagrin de sa famille et de ses coéquipiers. Plusieurs mois après son accident, Javier ne pouvait plus enfourcher sa bicyclette. A 27 ans, son rêve, sa vie, s’étaient brisés sur une route espagnole, un après-midi de février. Mais suivi par un psychologue, Javier reprend peu à peu le dessus. Il décide alors de se battre, encouragé par ses parents.
 
C'était en 2001." (article tiré du site velo101.com, revu et corrigé par Maria et Ricardo Otxoa)
 
La stèle érigée sur la carretera A-357, en Cártama (Málaga)
 
Javier, le retour...   el regreso...

 

 
 

C'est bien plus que des médailles que le Basque Javier Otxoa remporte. Il prend avant tout une revanche sur le destin et sur cette voiture qui l'a renversée un jour de février.


Javier est resté dans le coma pendant 64 jours. Maria, sa mère, qui nous raconte ces moments douloureux a encore les larmes aux yeux. Mais son fils est là à nos côtés dans l'hôtel-restaurant "Les fleurs" d'Argelès Gazost, en ce 14 juillet 2008, le même hôtel qui les avait accueillis 8 ans plus tôt.

Nul besoin d'expliquer la violence du choc, nul besoin de vous parler des détails, mais sachez que le conducteur a été condamné à verser 1800€ et à 1 an de suspension de permis pour imprudence ! Mais nous ne sommes pas là pour faire débat.

Aujourd'hui, Ricardo et Maria accompagnent leur fils, Javier, et l'aident jour et nuit afin qu'il retrouve une vie presque normale car Javier est revenu du néant.

Javier sort finalement de 64 jours de coma profond mais gardera des séquelles neurologiques à vie.

Ce n'est qu'après une rééducation longue de 21 mois pendant laquelle il a dû apprendre à nouveau à bouger, à marcher, à penser et à parler, qu’il remonte sur un vélo. Toutefois, en novembre 2002, il dispute 200 mètres du Critérium International de la Communauté de Valencia pour officiellement faire ses adieux au public et au cyclisme professionnel. Mais seulement au cyclisme professionnel.

Il se lance ainsi dans une nouvelle carrière sportive, en intégrant la Fédération Espagnole de Sportifs Handicapés Cérébraux. Pour se rééduquer mais aussi porter haut les couleurs de sa nation. Sa générosité et sa persévérance sont rapidement récompensées, en septembre 2003, lors des Championnats d'Europe Paralympiques en République Tchèque.

 

En 2004, il prend la deuxième place de la poursuite paralympique derrière le britannique Kenny Darren. Beaucoup de sportifs se contenteraient d'une telle performance, mais Javier Otxoa va se battre contre lui-même pendant l'épreuve sur route et le contre-la-montre des Jeux Paralympiques d'Athènes et ainsi remporter une médaille d'or (les deux épreuves sont combinées).

 

Depuis, il ne cesse de glaner des titres, une façon à lui de revivre...      
 

 
   Finalement, la vie a repris son cours pour Javier, sans son frère jumeau et avec de nombreuses douleurs qui martyrisent son corps (suite à l'enfoncement de sa cage thoracique, il a perdu un poumon, son nerf sciatique est sectionné, sa jambe droite est plus courte de 3 cm après les multiples fractures du tibia-péroné, il a eu 800 points de sutures répartis sur tout le corps, et il souffre de problèmes d’équilibre, qui lui interdisent de se retourner sur le vélo, sinon il tomberait.) Il ne peut plus s'entraîner sur ses routes natales sans être suivi par son père en voiture (il serait incapable de retrouver sa maison !). Enfin il n'a plus de souvenirs de sa vie depuis ce jour tragique, ce qui donne une idée de la violence du choc. 
 
   Mais même s'il ne faut pas oublier son passé, son accident et ses séquelles, il faut avant tout retenir que Javi est un modèle de ce que peut être le sport dans ses traits les plus nobles. Attachant, sensible, agréable, humble, généreux, il est aussi un champion au grand cœur.
 
 
  Javi et Urt Vélo 64...
 
   Nos routes se sont croisées en 2004 au hasard d'une balade familiale alors que j'étais en poste à Bilbao. A cette époque, le Challenge International Handisport que nous organisons à Urt est en plein essor. Notre épreuve est inscrite au calendrier national de la FFH Cyclisme. En marge du challenge, nous proposons des démonstrations de sports handicapés ; aussi lorsque je remarque un match de tennis en fauteuil et de tennis de table, je m'approche du stand. La première idée qui me vient en tête est de proposer un match de basket entre une équipe basque espagnole et une équipe française. Après renseignement, on me dirige vers le président de l'association SAIATU, organisatrice de ces démonstrations, Txema Alonso.
   La complicité avec cet homme important, qui adore le cyclisme et qui travaille directement auprès du Lehendakari, M. Juan José Ibarretxe (le président de la Communauté autonome basque) a été immédiate. Cette rencontre a aussi été à l'origine du grand tournant que notre épreuve a pris.
   Il propose de me présenter Javier, le début d'une belle amitié.
 
   Javier venait de remporter le titre Paralympique sur route mais l'impression qu'il donnait faisait peine à voir. Il était comme absent, plongé dans ses pensées, loin de l'agitation qu'il y avait autour de lui. Quelques coups de pédales plus tard et des rencontres de plus en plus fréquentes m'ont permis de sceller une grande amitié avec Javi et ses parents Maria et Ricardo.
   Depuis lors, Urt Vélo 64 n'a cessé de l'accompagner et tous les membres du club ont pu apprécier sa générosité.
 
   Serge à Montlouis sur Loire. En 2006, le club représenté par Serge Carribon a accompagné Javier à Montlouis, le rendez-vous que donne la FFH à tous les amoureux de la petite reine sous toutes ses formes. Le concept est simple : une course "gentleman" (par équipe de deux : un handicapé et un professionnel) avec handicap de temps par rapport aux catégories des concurrents.. A cette occasion, Javier a fait équipe avec Laurent Jalabert. Laurent, ému, a souhaité participer exclusivement avec le frère de celui qui avait été son équipier à la Once. Leur victoire est anecdotique mais elle ravit Javier car la pratique du cyclisme et la multiplication de ces événements lui permettent de faire travailler sa mémoire et son corps, qui doivent toujours être en activité. C’est surtout le plaisir qu’il éprouve que l’on remarque, et n'est-ce pas cela l'important ?
 

Maria, la mère de Javier, Victor Hugo Marquez et son épouse, Serge Carribon, Jon Israël autour de Javi  

Javier, toujours souriant

Serge entre Laurent Jalabert et Javi
 
Javier revient à Hautacam 8 ans plus tard...
  
   Une journée inoubliable. Dernier vainqueur au sommet de ce col mythique, Amaury Sport Organisation, organisateur du Tour de France, a souhaité rendre un hommage particulier à Javier car même si peu de Français connaissent réellement son histoire et quelles épreuves il a traversé, le Tour et le monde professionnel en tout cas ne l'ont pas oublié.
   Ce fut un honneur pour Serge, Bruno et moi même d'avoir été invités par les parents de Javier à le suivre lors de cette journée qui restera gravée dans nos mémoires.
  
   Comme d'habitude, la direction du Tour a bien fait les choses et a accueilli Javier avec beaucoup d'égards. Village départ, présentation sur le podium au moment des signatures, montées du col de Hautacam en véhicule invité, réception au carré Tour de France et enfin remise d'un souvenir du Tour par Bernard Hinault et en présence de jeunes cyclistes du club basque de Berango dans lequel Javier a fait ses débuts ... Bref une journée haute en couleur.
 
Bernard Hinault se souvient... ...et souhaite savoir ce qu'il est devenu
Bruno Garaté, le vice-président faisait partie des invités 
Christian Prudhomme enchanté de recevoir Javier
 
à Javier : "Nous sommes fier de vous accueillir, merci d'être avec nous..."
Miguel Indurain, l'ami de la famille Otxoa, que nous retrouverons peut être prochainement sur les routes Urtoises... à suivre
Les retrouvailles...(pas besoin de traduction)
 
Javier : "je peux avoir un autographe ?"
Laurent : "Non, c'est toi qui va m'en faire un !"
  
  
   "Il est comme un gosse" nous dit Maria, "il est tellement fragile" nous dit Ricardo.... Les parents sont fiers, heureux d'être là avec leur fils, heureux de voir que la nature humaine est bonne et qu'il n'a pas été oublié, tout comme Ricardo dont on peut apercevoir le portrait sur le pendentif de Maria.
   La journée se terminera à la terrasse de l'hôtel "les fleurs" avec toute la famille. Les discussions dureront tard dans la soirée, Javier nous a même raconté quelques faits "d'armes" de l'époque (qu'on lui a raconté ou qu'il se souvient ?). Nous repartirons avec le plaisir de voir un Javier radieux, lui qui a tellement changé depuis notre première rencontre.
     
L'arrivée à Hautacam Le dernier kilomètre du col
Les deux vainqueurs du jour Cadel Evans
Bernard Hinault a honoré Javier Avec les jeunes du club de Berango
 
    Une femme dans l'ombre. Je tiens à remercier particulièrement Messieurs Christian Prudhomme, Jean-François Pécheux et Bernard Hinault pour leur accueil et leur gentillesse à l'égard de Javier mais aussi Fabienne Dalla Serra qui suit les activités de notre association depuis 2005, date à laquelle ASO nous a honoré pour notre action en faveur du cyclisme handisport.
   "Fabienne, sachez que Javier et ses parents se joignent à nous pour vous remercier sincèrement car sans vous cette journée n'aurait jamais été possible.
 
 
 
Javier, le futur parrain d'Urt Vélo 64, heureux
 
 
 
Reportage : Christophe Dizy
 
Photos : Internet, archives UV64 et Serge Carribon
 
Sources : Velo101.com, el mundo, eseclive, lequipe.fr, humanité.fr, cyclismag.com, 20minutos.es, elcorreodigital.com... et surtout les parents de Javier,
 
Le site de Javier : www.javierotxoa.com